Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s'en débarrasser, Gabrielle doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son grand amour. Mais une peur l'envahit, le pressentiment qu'une catastrophe se prépare.
POINTS POSITIFS ET NEGATIFS
+ Mélodrame de science-fiction entre David Cronenberg et David Lynch, filmé comme un essai minimaliste de Godard. Un voyage émotionnel au long cours.
- Une oeuvre chimérique suffisamment fascinante ?
Pour La Bête, le réalisateur Bertrand Bonello filme en gros plans son actrice fétiche Léa Seydoux, dans une adaptation en trois époques/variations du roman La Bête dans la Jungle de Henry James. Suite au décès de Gaspard Ulliel, c'est l'acteur anglais George MacKay qui reprend le rôle masculin du film. La Bête se déploie sur trois époques : 1910, 2014 et 2044, et sur la durée (près de 2h30) pour mieux nous immerger dans le sentiment de peur et dans ces multiples aspects douloureux, qui étreint Gabrielle Monnier (Léa Seydoux) tout au long de ses vies. La peur de la rencontre avec l'être aimé en 1910, la peur viscérale en 2014 sous forme de slasher movie enchâssé dans le film au cœur d'une Californie chaotique, la peur de la perte de cette peur justement et des sentiments dans une société régie par l'IA en 2044. Léa Seydoux est omniprésente, icone intimement liée à au Paris sublimement filmé, notamment dans la scène immersive de la crue de la Seine en 1910 où dans ce Paris quasi déserté de 2044.
On pense beaucoup au cinéma de David Lynch (Mullholand Drive, Inland Empire) ou de Cronenberg, mais aussi à Under The Skin de Jonathan Glazer par son esthétisme sensuel et froid, mais La Bête garde sa propre écriture.
Un film chimérique qui suggère plus qu'il n'explique, une réflexion sur la nécessaire complexité du sentiment humain...
Une production retardée
Dès 2017, le réalisateur Bertrand Bonello a commencé à écrire le scénario en ayant en tête Gaspard Ulliel pour le rôle de Louis et Léa Seydoux pour les rôles principaux, après avoir travaillé avec les deux acteurs sur le film Saint Laurent (2014). Le scénario, librement inspiré d'après d'une nouvelle, La Bête dans la jungle, publié en 1903 par Henry James, est écrit en collaboration avec des contributions de Guillaume Bréaud et Benjamin Charbit. En janvier 2021, le projet a été officiellement annoncé mais le tournage a été reporté en raison de la pandémie de COVID-19 et devait commencer en avril 2022.
Bertrand Bonello réalise entre-temps Coma (2022), qui met en scène Gaspar Ulliel dans son dernier film. L'acteur décède le 19 janvier 2022 suite d'un accident de ski. Le tournage de La Bête est de nouveau été retardé car l'acteur devait interpréter. En février 2022, le réalisateur déclare qu'il recasterait probablement le rôle de Louis avec un acteur non français. En mai 2022, l'acteur britannique George MacKay est choisi pour le rôle principal le tournage, il se perfectionne en diction française. Guslagie Malanda, vue dans le film Saint Omer réalisé par Alice Diop en 2002, est également au casting, elle interprète Poupée Kelly...
Le tournage débute à Paris le 22 Aout 2022 : certaines scènes sont tournées à la Cité de Trévise dans le 9ème arrondissement parisien où l'ensemble architectural évoque les squares londoniens. Les derniers plans sont filmés en Octobre ... Bertrand Bonello confiera dans un magazine que La Bête est le film dont il est « le plus fier aujourd'hui ».
Un choix cornélien
La bête est une quasi dystopie selon son réalisateur. Il souhaitait que le film "...se situe dans un futur assez proche pour que le spectateur le trouve imaginable, qu'il touche presque du doigt et qu'il puisse s'y projeter."
L'histoire se situe en 2044, à une époque où l’Intelligence Artificielle a réglé tous les problèmes de l’humanité en prenant le pouvoir, une femme intelligente doit faire un choix entre trouver un travail intéressant ou garder ses affects. Et donc possiblement vivre l’amour dont elle rêve.
Pour se débarrasser de ses affects, elle doit replonger dans ses vies antérieures pour nettoyer les traumatismes anciens qui contaminent son inconscient. Et elle va se confronter à une histoire d’amour qui traverse les vies et les époques, ce qui va évidemment la perturber dans son choix. Le travail ou les affects…
Pour Bertrand Bonello, " C’est un dilemme atroce, vers lequel nous nous dirigeons peut-être, dans une société de plus en plus contrôlée, et dont l’absence grandissante de rapport au secret rime avec absence de liberté, mais qui m’a permis de développer un récit et une réflexion sur une histoire des sentiments.
Le présent du film étant devenu quasi invivable malgré – ou à cause de - l’absence de problèmes, le passé devient le refuge."
La peur de l'IA
La prépondérance de l'intelligence Artificielle et la peur liée à son développement sont des sujets devenus très prégnants à l'époque actuelle : le tout récent film Le Monde après nous de Sam Esmail en focalisait tous les dangers, l'éthique, la morale et le basculement du monde qui pourrait en découler.
En 2044, les émotions humaines sont considérées comme une menace. La dystopie met en scène un environnement où les technologies avancées et les régulations strictes sur les émotions façonnent la vie quotidienne des individus. Dans ce futur, les humains sont soumis à des processus pour supprimer leurs émotions afin de maintenir l'ordre et la stabilité. Gabrielle y subit un processus de purification de son ADN pour éliminer les émotions susceptibles de la rendre vulnérable.
Le réalisateur pense d'ailleurs que 2044 est une date déjà trop lointaine, il cite le professeur Geoffrey Hinton, un pionnier de l’IA, qui dit regretter son invention et avoir créé un monstre : « Les futures versions de cette technologie pourraient être un risque pour l’humanité ». Bertrand Bonello poursuit : "La catastrophe, c’est qu’il n’y a plus de catastrophe. C’est un mouvement vers la disparition de l’individu et de la singularité. Si on fait disparaître la peur, on fait aussi disparaitre la sensation d’être vivant. Alors oui, il y a une froideur et une solitude dans le film en 2044, mais qui m’apparaît malheureusement au plus proche du réel."
Pas de futurisme extravagant
Bertrand Bonello réalise pour la première fois un film de science-fiction et il avoue ne pas être ni en spectateur ou en lecteur un spécialiste du genre. Il déclare à ce sujet : "Je voulais visuellement éviter les deux voies majeures, qui sont soit un ultra-technologisme, qui peut impressionner mais qui est souvent voué à se périmer, soit une vision post-apocalyptique où tout n’est que ruines.
J’ai préféré procéder par soustraction, en enlevant des choses. En effaçant des parties des décors, en vidant la ville, en changeant l’univers sonore plus que l’architecture, en mettant des animaux dans Paris, en enlevant les réseaux sociaux ou internet. En rendant les rapports entre les gens plus désincarnés que virtuels. Il n’y a aucun futurisme extravagant. L’évolution du monde est beaucoup plus comportementale et idéologique. C’est un monde rempli d’une nouvelle sérénité, apaisante en apparence, mais terrifiante dans le fond."
Un long voyage émotionnel
Le film est un vrai voyage et pas uniquement temporel, c'est aussi un voyage mental, physique, émotionnel, sensoriel de 2h25. Le réalisateur pense qu'il faut "...du temps pour les voyages. Sinon, on ne voit rien, on ne ressent rien. Il s’agit certes d’un seul film, mais qui contient trois univers. Il faut les installer, comprendre leurs ambiances, introduire les personnages, les situations. Il faut prendre le temps pour la scène du bal, expliquer les conventions.
Et puis, j’ai l’impression que le rapport à la durée des films a vraiment changé. A une époque où le cinéma en salle est malmené, il faut créer un désir de la salle et donc un désir de l’expérience. C’est aussi ce que j’ai essayé de faire."
QR code final
Le film débute par une scène sur fond vert où le réalisateur dirige son actrice principale Léa Seydoux et se clôt par un générique pour le moins original : un QR Code que le spectateur est invité à scanner. Intérrogé sur ces deux moments, le réalisateur s'explique : "Il me semblait qu’avec un tel prologue, 1910 résonnerait différemment. Ce prologue contamine le début du film. Ce début est aussi une manière très simple de dire : le sujet de mon film, c’est elle.
Quant au QR Code, il est très cohérent avec le film. En général, un générique est un moment d’émotion, avec de la musique, les noms qui défilent, les spectateurs qui se lèvent les uns après les autres et s’apprêtent à retrouver la lumière du dehors. Ici nous sommes dans un monde où les affects ont été bannis, il est donc logique qu’ils le soient aussi du générique. Seule Gabrielle est encore capable de ressentir. Ça la rend encore plus seule, je trouve."
Dans ce générique de fin de 8'26", il y a une scène supplémentaire située en 2014 où apparaît la voyante et une énigmatique porte 241... On y apprécie aussi la musique "A Car in Los Angeles" de Bertrand Bonello lui-même et le morceau "Say Low" d'A.C.B.D.
Deux bêtes dans la jungle
La Bête est l'une des deux adaptations cinématographiques françaises de la nouvelle "La bête dans la jungle" de Henry James. L'autre est La bête dans la jungle de Patric Chiha (2023) avec Anaïs Demoustier, Tom Mercier et Béatrice Dalle, sorti sur les écrans le 16 Aout 2023.
Photos Copyright Carole Bethuel © 2023
La Bête (The Beast), Bertrand Bonello, 2023, France/Canada.
Son : Color. Format d'image : 1.85.
Réalisateur : Bertrand Bonello. Durée : 2h26.
Productions :
Distribution France : .
Producteurs : Bertrand Bonello, Justin Taurand.
Co-producteur : Xavier Dolan, Nancy Grant, Alexandre Mattiussi.
Producteur exécutif : Olivier Gauriat.
Producteur délégué : Tatiana Bouchain, Ron Eli Cohen.
Scénario : Bertrand Bonello, Guillaume Bréaud, Benjamin Charbit d'après la nouvelle "La Bête dans la jungle" d'Henry James.
Effets spéciaux (sociétés) :
Directeur de la photographie : Josée Deshaies.
Montage : Anita Roth.
Chef décorateur : NC
Direction artistique : Katia Wyszkop.
Décorateur plateau : NC
Musique originale : Anna Bonello, Bertrand Bonello.
Costumes : Pauline Jacquard.
Casting : Carmen Cuba, Sarah Teper.
Interprètes : Léa Seydoux (Gabrielle), George MacKay (Louis), Guslagie Malanda (Poupée Kelly), Dasha Nekrasova (Dakota), Martin Scali (Georges), Elina Löwensohn Elina Löwensohn (Marta Hoskins), Julia Faure (Sophie), Kester Lovelace (Tom), Felicien Pinot (Augustin), Laurent Lacotte (L'architecte)...
Date de sortie française : 7 Février 2024.
Budget estimé : NC.
Contenu du DVD/Blu-Ray édité par Ad Vitam. Date de sortie : 7 juin 2024.
Le film est parfaitement restitué sur le support, dommage qu'il n'y figure pas finalement le générique complet que l'on ne peut voir qu'avec un lien QR Code à l'issue du film (une volonté du réalisateur). Cela aurait permis une plus large audience et de la visibilité à tous les acteurs et techniciens qui ont travaillé sur le film.
- Le film (2H26')
- Entretien avec Bertrand Bonello (14'16") : interview très complémentaire au film dans lequel le réalisateur explique son adaptation du roman La Bête dans la Jungle de Henry James, l'intelligence artificielle et la science-fiction dystopique du film. Il revient aussi sur le fameux générique à consulter via un QR Code. Note : Avant d'aborder le film, il faudrait absolument écouter l'interview du réalisateur présent sur le Blu-Ray ou le DVD plutot que de regarder la bande-annonce. Cela permet de connaître l'intention du cinéaste et apporte à la compréhension d'un film qui peut paraître hermétique pour certains spectateurs.
- Bande-annonce du film (1'51")
- Le dossier de presse au format PDF
Langues : Anglais (DTS-HD 5.1), Français (DTS-HD 5.1), Sous-titres français sourds et malentendants, audiodescription.
Menu avec visuels en boucle (durée : 43") et menu (Film, Version et compléments). Possibilité d'accéder à la version audio description dès le premier écran à l'insertion du support.
Menu fixe sur l'écran des versions et des compléments.
Extrait de l'interview de Bertrand Bonello, affichage du QR Code du générique, photos du film.
*Le hors-champ est la partie de la scène qui n'apparaît pas dans un plan d'un film parce qu'elle n'est pas interceptée par le champ de l'optique de la caméra que ce champ soit invariable (plan fixe), ou variable (plan où la caméra effectue un mouvement (panoramique et/ou travelling) et/ou un zoom).
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